La morte du ruisseau




D'un battement d'aile, lourd et rapide,

Une tourterelle, près de l'eau limpide,

Vole entre les branches sèches et sombres,

Fuit le ruisseau à l'approche de mon ombre,



D'aucun ne pourrait voir, en ce lieu si mort,

Encore moins avoir, à raison ou à tort,

La profonde mélancolie qui m'invite,

A revenir aujourd'hui suivre mon rite,



Cette rivière, d'un calme funeste,

Est la première, il est manifeste,

A suggérer en moi, chaque jour depuis lors,

Un si flagrant émoi, plus merveilleux que l'or,



Si comme Narcisse, contemplant son reflet,

Et qu'il ne choisisse, de s'admirer de près,

Je pouvais me contenter de mon visage,

Ainsi laisser mes pensées demeurer sages,



Mais le triste destin, la chaîne solide,

Est comme un lien, et le plus morbide,

Chaque jour je reviens et je t'appelle,

Ce n'est pas pour rien car tu es si belle,



Une beauté figée, douce enivrante,

Mon âme piégée, en sera souffrante,

De te voir ainsi flotter entre deux eaux bleues,

Et de te contempler du ventre aux yeux,



Divine quasi nue, entourée d'un drap blanc,

Que danse le tissu, léger dans le courant,

Fixant sans retenu, mes deux mains si fortes,

Je crois espères tu, de ton lit de morte,



Fuir et sans retour, sortir de l'eau glacée,

Avant que des vautours, viennent me voler,

Ton si beau visage, tes yeux limpides,

Mon papillon sage, dans sa chrysalide,



N'est-il pas funeste, ma belle endormie,

De lécher tes restes, toujours aussi jolis,

Des yeux seulement, encore aujourd'hui,

Comme hier durant, des semaines depuis,



Si le cœur me pousse, à te voir libérée,

Raison m'éclabousse, dit de me méfier,

Survie est plus forte, mon âme menacée,

Entre tes eaux mortes, tu veux me piéger,



Raisonne tout en moi, je te le dis ici,

Mes sentiments pour toi, ma belle endormie,

Je ne succomberai, surtout pas aujourd'hui,

Bien que je le sais, je suis en sursis,



Venir voir chaque jour, moment du prélude,

Tes cheveux de velours, instant quiétude,

Me laisse à songer, que ma vie est rude,

Et que je veux plonger, rompre solitude,





      Poème en alexandrin, demeuré anonyme et retrouvé à la fin du 19ème siècle en fond de cave, rédigé sur une feuille jaunie dont l'encre peine aujourd'hui à se révéler.


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