Vaisseau fantôme

 



      Comme vous l'aurez sans doute compris, chers lecteurs, après avoir lu quelques uns de mes articles ici publiés, je me passionne pour les vieux magazines britanniques. Tout du moins pour ceux qui auront eu l'audace, dans le courant sérieux et rigide du 19ème siècle, de mettre en lumière la plume piquante d'auteurs spécialisés dans l'Etrange. L'un de ces magazines d'époque, bien simplement surnommé Maga, fût le Blackwood's Edinburgh Magazine, imprimé entre 1817 et 1980. Si les toutes premières années de publication du journal satirique sont délicates et que celui-ci peine à trouver un public fidèle, c'est à la parution d'un certain article rédigé en 1821 et signé anonymement que le succès se fera ressentir.


Les pays-bas étaient à l'aube du 17ème siècle la première nation commerciale maritime au monde. La compagnie néerlandaise des indes orientales préfère établir des plans de navigation à destination de l'Asie et de l'océan indien tandis que d'autres pays se concentrent sur des voyages vers les Amériques dont la méconnaissance fait vivre des fantasmes de cités construites dans l'or massif.

La compagnie batave rassemble des marins aguerris bien que moins téméraires que les pirates ou corsaires français et anglais qui mettaient leurs vie en péril chaque jour sur les courants funestes de l'Atlantique. Ce qui n'empêcha pourtant pas l'un de ces marins commerçants néerlandais de faire connaître ses exploits.

Un certain Van der Decken, capitaine habile et peu farouche, était capable dit-on de guider son navire et son équipage dans les méandres les plus courts qui pouvaient exister entre les pays-bas et l'île de Java. Les temps records qui étaient enregistrés à l'époque laissèrent rapidement entendre que le navire flottait dans l'air plutôt qu'à la surface de l'eau. Surnommant le navire « le voltigeur hollandais » puis lui attribuant bientôt un nouveau sobriquet qui restera gravé dans les anales jusqu'à nos jours : « le hollandais volant ».

Les exploits du Hollandais volant se succèdent. Faisant la fierté de la compagnie tout comme la jalousie des pays voisins. La légende abracadabrantesque d'un navire se détachant de l'eau alimente toutes les discussions et l'on prête rapidement à Van der Decken des pouvoirs bien mystérieux en lieu et place du seul talent de navigation. Le capitaine dont le visage est repoussant, dont le corps est bossu et dont le verbe est acide aurait pactisé avec le diable lui-même pour s'attirer des capacités au delà du commun des mortels.

Mais alors que le fabuleux navire était sur le point de franchir le cap de Bonne-Espérance aux abords des côtes sud africaines, une violente tempête éclata. Les vagues déchaînées faisaient tanguer le bateau au point que la proue avant se plantait littéralement dans les vagues. A chaque mouvement les marins craignaient de passer par dessus bord. L'équipage pria son capitaine d'affaler les voiles par crainte que celles-ci ne soient déchirées par les vents. Mais Van der Decken ordonna de tenir la barre et de suivre le cap comme décidé. Certains hommes tombèrent à l'eau tant les déferlantes soulevaient les flots. Les marins les plus expérimentés supplièrent de nouveau leur capitaine de prendre la décision de changer de direction pour s'extirper au plus tôt de la tempête. Mais encore une fois Van der Decken somma avec rage d'obéir à ses ordres. Avec pour objectif de passer les côtes au plus rapidement et sculpter encore un peu plus la légende magnifiée du navire.

A défaut d'être entendu par leur capitaine, l'équipage s'adressa à Dieu.

C'est alors qu'une forme lumineuse sembla descendre des nuages. Un ange ? Van der Decken n'en avait que faire. Le diable lui assurait, jura t'il, les faveurs de la mer. Il pris son pistolet et visa la silhouette de lumière tandis que son arme lui explosa dans les main.

« Puisqu'il te plaît tant de tourmenter les marins, tu les tourmenteras, car tu seras le mauvais esprit de la mer. Ton navire apportera l'infortune à ceux qui le verront. »


Le Hollandais volant n'arriva jamais à destination. Et jamais on ne retrouva non plus le navire ou ses hommes réfugiés sur les côtes sud africaines.

En revanche, nombre de témoignages prétendront durant l'ensemble des siècles suivants avoir vu un bien étrange navire. Bâtiments de pêche, de commerce, de guerre ou princier, tous mentionnent avoir vu le hollandais volant pointant sa proue au large pour disparaître aussi rapidement qu'il est apparu comme s'il flottait à l'horizon en marge de la surface de l'eau. La légende du célèbre vaisseau fantôme était née et les témoignages perdureront jusqu'en 1939 où une douzaine de touristes se baignant à Glencaim Beach en Afrique du sud prétendront avoir vu au loin un magnifique bateau d'aspect ancien, voguer à toute allure les voiles gonflées à l'extrême alors que la météo n'enregistra ce jour là pas la moindre petite brise en mer.


Depuis, aucun nouveau témoignage n'est venu alimenter la liste déjà longue de ceux qui ont bâti la légende depuis ces derniers siècles. Si l'occasion se présente pour vous de prendre la mer ou à défaut de vous dorer sur le sable d'une plage ensoleillée, n'oubliez pas de scruter l'horizon de temps à autre. Vous pourriez bien contribuer à votre tour à construire la légende.


Baz Arnkell

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